Apprendre la peinture abstraite ou figurative : deux approches différentes
Comment apprendre à peindre de manière efficace et devenir créatif
Le 20ème siècle a été une époque particulièrement riche, que ce soit en termes d’innovation, de technologie ou de création artistique.
Cette période, notamment grâce au développement de la photographie, a totalement redéfini la fonction de l’artiste, dont le rôle ne s’est plus limité à représenter le réel par des scènes religieuses, des batailles ou des portraits royaux.
De nombreux mouvements, artistes et styles picturaux ont vu le jour, insufflant un espace de liberté et de créativité individuel incroyable.
Les codes n’ont cessé (et continuent) d’être redéfinis, notamment depuis l’arrivée d’Internet et des nouvelles technologies qui ont complètement transformé les processus de création et d’apprentissage.
En effet, aujourd’hui l’information n’a jamais été aussi accessible, quel que soit le domaine que nous souhaitons explorer.
Devant ce constat, on peut s’interroger quant à l’évolution de l’apprentissage plus traditionnel de la peinture.
Si nous utilisons toujours les mêmes outils pour peindre, cela implique-t-il que les méthodes d’apprentissage soient les mêmes qu’au 18 ou 19ème siècles ?
La copie et la figuration sont-elles des modèles pédagogiques obligatoires ?
Comment se fait-il que l’évolution de la peinture au 20ème siècle ait été aussi rapide ?
Et qu’en parallèle son enseignement soit si peu évolué ?
Nous allons tenter de trouver ensemble quelques éléments de réponse et de comprendre comment à la fois éveiller notre créativité et développer notre technique de peinture.
Lorsqu’on parle d’apprentissage, la figuration apparaît comme la seule voie à emprunter car elle s’attache à représenter le plus justement possible un monde connu.
Donc en général nous commençons par elle naturellement.
Cet apprentissage classique et académique de la peinture est présenté comme l’unique modèle pédagogique.
D’abord car il véhicule des valeurs d’éducation communes comme la rigueur, la persévérance et la réussite par le travail.
Et ensuite parce qu’il obéit à des codes représentatifs précis qui rassurent notre esprit pragmatique et logique.
Ce que l’on connaît ou reconnaît est beaucoup plus facile à voir, identifier et surtout juger.
Malgré ces points rassurants, il existe des effets moins positifs pour un élève suivant l’apprentissage académique.
Le premier problème de cette démarche est que ce jugement n’est en général pas très bénéfique à un débutant.
L’élève dans ce cas prend comme référence des images plaisantes à regarder, mais dont la réalisation est souvent bien trop complexe pour lui.
Ce décalage est forcément très frustrant pour lui.
Pour éviter ce ressentiment, il est important de ne pas oublier qu’au début,
ce qui nous séduit n’est peut-être pas encore à notre portée, faute de technique.
Le second problème est que pour un débutant ou peintre du dimanche, l’étude du corps, de la nature et de la perspective
sont des choses complexes.
Pour obtenir les premiers résultats, il lui faudra acquérir des bases de dessin sérieuses,
mais aussi une technique picturale plus avancée.
Des compétences profondes dont l’assimilation prend du temps.
Après avoir essuyé plusieurs échecs, certains débutants se découragent et finissent par abandonner,
en pensant qu’ils n’auront jamais le niveau suffisant pour atteindre leurs objectifs.
Le troisième problème est tout aussi fréquent.
En lisant vos e-mails, je sais que beaucoup de pratiquants se sentent frustrés
car ils trouvent que leur travail manque de personnalité.
Pour nous épanouir en tant qu’artiste, nous avons besoin à un moment de notre évolution de nous différencier des autres.
C’est en cela que la copie figurative, même très bien réalisée, reste un exercice limité.
On peut rapidement se retrouver bloqué dans ce système, sans pouvoir faire autre chose.
Ce qui entraîne évidemment un manque d’idées, de créativité et au final une grande frustration.
Maintenant que nous avons identifié les points négatifs de la figuration comme modèle unique d’apprentissage,
essayons de comprendre pourquoi l’abstrait (pourtant si présent dans nos musées, livres et galeries)
est quasiment absent de tous les programmes pédagogiques.
Pour tenter d’expliquer ce phénomène, prenons un exemple simple :
Celui de la musique et des différents genres musicaux.
La musique classique est écoutée, enseignée et étudiée depuis la nuit des temps en Occident, et il a fallu attendre les années 20 ou 30, l’apparition de l’opérette, de la chanson moderne, du blues mais surtout du jazz, pour que les choses évoluent.
Ce genre musical est particulièrement intéressant par sa richesse mais aussi par ce qu’il a de révolutionnaire.
Contrairement à la musique classique, les musiciens ne sont plus de simples interprètes devant respecter un thème à la note près.
Bien que les morceaux soient très écrits et structurés, ils comportent de longues plages d’improvisation.
Un musicien est libre de s’approprier totalement une composition, de la transformer et de la rendre unique par son interprétation.
Le bouleversement ne s’arrête pas là, et un nouveau genre entraîne une nouvelle façon de pratiquer. De nombreux musiciens apprenaient et apprennent toujours à jouer d’un instrument uniquement à l’oreille sans jamais avoir su lire une partition.
Malgré la virtuosité de certains musiciens, cette base d’improvisation a longtemps été l’argument principal des puristes
pour dénigrer ce genre musical considéré comme abstrait et sans aucune signification.
Et hélas, le raccourci est aussi rapide à prendre que simple à retenir.
Art Abstrait = n’importe quoi.
Cette idée résonne malgré nous dans nos esprits, mais en réalité c’est ce point de désaccord qui fera bouger les lignes
en bouleversant totalement les codes de l’apprentissage et de la création.
Bien entendu, cette évolution ne s’arrêtera pas là, et les évolutions technologiques et matérielles permettront l’émergence
de nouveaux genres musicaux.
Quel que soit le domaine artistique, ces mutations rapides ne plaisent pas à tout le monde.
Elles sont en effet critiquées par de nombreux puristes,
car elles remettent en question beaucoup de règles établies depuis des années et parfois même des siècles.
Voilà qui pourrait en partie expliquer pourquoi notre façon d’apprendre et d’enseigner la peinture est si peu évoluée.
L’abstraction ou le mélange des genres comme la figuration abstraite font peur
car ils se basent davantage sur un mode expressif que représentatif.
Depuis le début du 20ème siècle, l’artiste s’exprime à travers des assemblages de formes,
de couleurs, de motifs, et ne se limite plus à décrire ou raconter la réalité de l’être humain et de ce qui l’entoure.
S’il est très peu utilisé sur le plan pédagogique, quasiment tous les plus grands artistes du 20ème siècle
ont au minimum détourné les codes de la figuration pure et trouvé un mode d’expression
beaucoup plus vaste dans le domaine abstrait.
Pour beaucoup d’artistes, il n’y a pas de frontière entre les deux genres.
La peinture, quoi qu’il arrive, est un assemblage de formes, de lignes guidées par nos pensées,
nos sentiments et notre volonté.
Mais, Pour apprendre à peindre, les deux exercices restent néanmoins très différents.
La peinture abstraite incite davantage à la réflexion, tout simplement parce que
vous construisez votre propre univers sans aucune référence à la réalité.
Mais libre ne veut pas forcément dire sans règle.
La plupart des toiles abstraites répondent à des principes graphiques, des combinaisons de couleurs,
ou des règles de composition très précises.
La démarche du peintre abstrait ne se base pas sur rien.
Il n’est pas rare de trouver, chez certains artistes, des références
à l’art produit par certains peuples et civilisations.
L’inconvénient de l’exercice est que cette liberté ouvre un champ de possibilités si large
qu’il peut dérouter un débutant.
Se sentant livré à lui-même, celui-ci manque forcément de repères et de cadre pédagogique.
Si l’élève est stimulé et guidé, cette démarche lui permettra d’aborder et de travailler directement les principes essentiels de la peinture
(comme le mélange et le rapport de couleurs, le maniement du pinceau et la technique picturale, la composition graphique)
sans s’encombrer dans un premier temps avec la ressemblance, le réel, la signification.
C’est à mon sens un outil particulièrement encourageant et surtout très formateur pour quelqu’un qui débute,
car il nous implique intellectuellement et nous pousse davantage à expérimenter, construire par nous-même et bien sûr imaginer.
Qu’on le veuille ou non, l’abstrait est partout.
Dans notre imaginaire, l’apparition d’images mentales, un paysage que l’on observe ou le détail d’un tableau de Vermeer.
Il est donc important pour nous d’ouvrir les yeux et d’intérioriser ce qui nous entoure pour mieux l’exploiter.
Le but de cette vidéo n’est pas d’opposer et de comparer la voie abstraite et la voie figurative, mais de vous faire prendre conscience que l’apprentissage doit être le plus varié possible pour être efficace.
Et que bon nombre d’exercices abstraits peuvent être extrêmement bénéfiques pour un apprenti peintre ou dessinateur.
Peu importe que vous choisissiez une voie ou une autre tant que le plaisir de créer est là.
La forme n’est en réalité qu’un prétexte narratif.
Car peindre, c’est raconter une histoire et avant tout votre histoire.
Merci Léo, c’est très intéressant et ce dont on a besoin.
dommage qu’en France nous ayons tant de difficultés pour trouver des stages de qualité surtout en province…mais tant pis,il y a plein de gens qui se font plaisir avec des tubes,des pinceaux et des supports différents !merci pour vos interventions,elles sont toujours agréables,éducatives et encourageantes.Cordialement
Bonjour Léo,
C’est toujours un plaisir de vous écouter et nous faire partager votre expérience.
Merci pour toutes ces vidéos que vous nous laissez tous les mois, on ne se sent pas seul face à notre toile pour comprendre le pourquoi du comment.
Cordialement
Muriel Halfon
Merci Leo,tes contenus sont toujours très interressant !
Bonjour Nicole,
Je ne suis pas très au courant des stages organisés.
Le plaisir de faire est là et c’est une très bonne chose.
Il faudrait maintenant une pointe d’audace et de créativité sur le plan pédagogique pour que cela devienne contagieux…
On y travaille !!
Cordialement
Léo.
Merci beaucoup Sabah,
Réaliser cette vidéo me tenait vraiment à cœur 😉
Merci Léo, passionnant !
Vous dites au sujet de l’abstrait : ” libre ne veut pas forcément dire sans règle. La plupart des toiles abstraites répondent à des principes graphiques, des combinaisons de couleurs,ou des règles de composition très précises”.
Pourriez vous nous donner ces règles principales lorsque l’on veut faire de l’abstrait.
Un grand merci
Claude
Bonjour Claude.
En Art, la règle c’est qu’il n’y a pas de règles !!;)
Mais si je m’arrête là, sur le plan pédagogique, ça ne va pas beaucoup vous aider 😉
En observant les différents mouvements. Vous pourrez constater qu’il existe des similitudes graphiques.
Le cubisme abstrait pour faire simple, est basée sur des compositions et des assemblages géométriques. Mais il existe un monde entre l’abstraction de Pollock par exemple, et celui Poliakoff.
Tout est donc possible au niveau du style à condition de trouver le juste équilibre entre les couleurs, les formes, etc…
Pour tout vous dire Léo, je me suis jamais senti heureux au sein d’un groupe d’apprentis peintres d’un cours de dessin et de peinture. Il est vrai que l’étiquette d’autodidacte n’avait rien pour me séduire. Bien qu’il serait plus juste d’admettre que ça gênait avant tout les autres, ceux qui ne se sentaient pas concernés par ce titre. Aujourd’hui, j’y pense même plus même si je vous en parle encore. Dans ma vie de peintre, un autre peintre bien plus âgé que moi s’est montré curieux à mon égard et son œil complice m’a fait découvrir ce qu’était la liberté en peinture. Ce qu’il faisait à ses débuts était plutôt figuratif. En gros, il ne pouvait pas nier-renier toutes ses années d’études aux beaux-arts. Vous voyez ce que je veux dire. Moi j’ai fait sa connaissance alors qu’il avait plus de 20 ans de peinture derrière lui. Il était passé à l’abstrait pur et dur. Voulant répondre à mon étonnement, ma grande surprise. Eh oui, m’a-t-il dit : Après toutes ces années de peinture, je me suis enfin permis d’y aller. J’ai mérité ma place sur le chemin de l’art abstrait. A croire que cela se passe toujours ainsi. L’inverse me semble plus rare, de l’abstrait au figuratif. J’avais abandonné la peinture sans raison particulière. Il se pourrait que j’y revienne sans que je sache réellement pourquoi, il y a un appel mais je ne sais pas d’où il vient l’important est probablement de répondre à cet appel ? En attendant, j’écoute la parole des autres sur Internet dont la vôtre, merci Léo.
Bonjour Pascal
Désolé pour ma réponse tardive mais je vous encourage vivement dans votre démarche.
Abstrait ou figuratif peut importe. Si l’aspect est différent énormément de code sont semblables.
La ressemblance n’est pas un aboutissement et ne fait pas forcément la qualité et l’âme d’une création.
La peinture et le dessin n’ont aucune limite, c’est nous et nous seuls qui les fixons.
Bonne création
Léo.
Bonjour Léo,
Merci beaucoup pour votre partage… On apprend beaucoup à travers vos vidéos…
Personnellement, j’ai repris mes pinceaux, mes crayons,car cela me démangeait depuis longtemps.. je suis attirée par le figuratif et l’abstrait bien sûr, pour en arriver là, je dois passer par tout un contexte théorique, d’apprentissage, de technique, et le plus dur, c’est de ne pas se décourager, mais au contraire, continuer à faire des “gammes de traits, d’essais tous les jours et vos vidéos m’aident beaucoup. Merci encore.pour le partage de votre passion.
Cordialement
Marie
Cordialement
Merci à vous !
Merci Leo, vos conseils sont précieux
Merci à vous Elisabeth 🙂