De retour du Festival de la BD d’Angoulême, je souhaitais vous parler d’une rencontre particulière lors d’une exposition. Pas une rencontre physique, mais avec un univers graphique magique, celui d’un véritable maître du manga : Jirô Taniguchi. N’étant pas un grand spécialiste du genre, je ne connaissais pas ou peu son travail. Mais je suis resté littéralement scotché devant une telle force et une telle sensibilité. Apprendre l’aquarelle ou le dessin passe d’abord par l’observation. C’est pourquoi j’ai voulu, à travers quelques planches de l’artiste, vous faire découvrir de plus près son incroyable technique de peinture.
1/ Pour apprendre l’aquarelle : comprendre l’importance des zones vides et du contraste.
1/Lumière du jour.
Dans beaucoup d’œuvres, c’est souvent la simplicité qui fait la beauté, et une bonne mise en couleur ne tient souvent pas à grand-chose. Un point très important à saisir quand on apprend la peinture aquarelle est de comprendre l’importance des zones vides. Ce sont souvent elles qui déterminent la source principale de lumière. Le blanc du papier représentera donc, dans la plupart des cas, la zone la plus lumineuse de votre dessin.
Ici, la statue, la bande à l’horizon laissée blanche, et les immeubles donnent une impression de lumière forte à cette aquarelle. Si l’artiste avait voulu donner moins de luminosité, il aurait sans doute forcé les zones de gris sur la statue ainsi que sur l’arrière-plan.
Deuxième technique qui renforce la lumière dans le dessin : les zones de contrastes, ici, les zones d’ombres (mélange de bleu et de gris) sur la statue. Elles s’opposent au blanc et aux couleurs claires omniprésentes dans l’image. Ce contraste très tranché renforce encore plus l’atmosphère lumineuse du dessin. Idem pour le noir des fenêtres, qui matérialise la lumière sur les immeubles.
Ici, peu nombreuses mais très appuyées, les zones de contraste donnent une dynamique et une vraie puissance à cette œuvre.
2/Lumière de nuit
La nuit, c’est l’inverse, Le noir est bien entendu dominant, et la lumière vient non pas du ciel mais de la ville. La zone vide est donc matérialisée par la couleur la plus foncée, dans ce cas le ciel.
Pour peindre cette ville la nuit (image 1 et 2), l’artiste a donc volontairement marqué le côté sombre et profond du ciel pour augmenter le contraste et faire ressortir les lumières de la ville.
Observons plus en détails la première image :
Observez l’église et le monument (monument gris face à nous en plan éloigné). Ils se détachent bien du ciel car ils sont peu contrastés. L’artiste a choisi d’utiliser une teinte grise pour peindre l’intérieur des fenêtres et les voûtes de ces édifices.
Pourquoi ?
La source de lumière vient des lampadaires, donc du bas de l’image. Elle monte du bas vers le haut. Plus on est proche du sol, plus la lumière est puissante et moins l’aquarelle est contrastée.
Même chose sur le bâtiment ocre à gauche de l’image. On voit bien la différence de teintes entre les arcades du bas et celles du haut.
Observons l’image 2 et 3:
Pour intensifier l’effet de lumière sur l’image de gauche, l’artiste a volontairement assombri le premier plan de l’image (les pavés). Cet effet nous indique aussi la direction de la lumière : face à nous mais aussi face aux autres personnages. L’ombre portée des personnages se fait plus légère à mesure qu’ils s’éloignent. Ce contraste entre premier et second plan fait entrer le spectateur dans l’image.
L’image de droite illustre bien les points que nous avons pu observer avant, notamment la lumière montante.
Pour illustrer la même scène de jour, l’artiste aurait foncé l’intérieur des arcades du bâtiment.
Notez aussi le reflet des lampadaires sur les fenêtres au premier étage.
Voilà pour ces quelques observations.
Nous avons tout à apprendre d’un tel maître, décortiquer et tenter de comprendre sa technique est aussi utile qu’un cours de peinture.
Ces aquarelles viennent d’un livre que l’artiste a spécialement consacré à Venise.
J’espère que cet article vous aura donné envie de peindre à l’aquarelle mais aussi de découvrir l’énorme travail de ce maître de la bande dessinée japonaise.
Bon dessin à tous !
Léo.
C’est absolument splendide en effet… Mille questions me viennent en observant et en te lisant… Et notamment, celle de l’ordre… `
En aquarelle, comme à l’encre, on est censé commencer par les couleurs claires, pour foncer peu à peu. Mais j’avoue que cette méthode me paraît inconcevable pour ces scènes de nuit, où Tanigushi parvient à créer une lumière incroyable et à lui donner du volume… Je vois mal comment on peut arriver à ce résultat sans s’en occuper en dernier… Et je ne suis pas pleinement convaincue qu’il n’y ait pas d’autres techniques que l’aquarelle… Je rêverais de le voir faire…
Est-ce qu’à tout hasard tu aurais des éléments de réponse?…
Merci en tous cas, encore et toujours, pour tes articles et tes cours… Toujours trop courts!!! 😉
Bonjour Amélie,
la technique n’est pas vraiment différente pour les scènes de nuit. On commence souvent par un lavis pour peu à peu arriver à une couleur sombre. La différence majeure est dans la logique inversée des couleurs ( ciel sombre et lumière artificielle)
Cependant, chacun a sa manière de travailler. Certains aquarellistes mouillent le papier avant de commencer, d’autres non,… Autre point également, notre culture à une influence directe sur notre manière de pratiquer l’aquarelle (et l’art en général). Un Maître comme Taniguchi a certainement sa propre technique et ses petits secrets. À nous de trouver les nôtres.
Merci à toi Amélie 😉
Oui, c’est d’autant plus vrai que culturellement, les civilisations orientales sont familières d’une pensée du vide (qui chez eux n’est pas vide, d’ailleurs) à laquelle nous sommes littéralement étrangers (ce qui explique que pour nous, il s’agisse de vide)… C’est pas tellement perceptible dans les repro que tu as mises, il faudrait que je lise la BD en entier pour mieux apprécier l’ensemble du travail de Taniguchi, mais les estampes japonaises en sont des exemples canoniques.
Merci de ta réponse en tout cas!
A pluche!!!